Sirat ou la Libération
- associationenviede
- 8 oct.
- 13 min de lecture
On m’avait prévenu : « Ne lis pas les critiques, ne regarde pas avant les images… et tu devrais prendre une claque… ». Je suis allé voir le film avec un ami… et nous nous sommes pris une claque. La question est alors de savoir pourquoi, il fait cet effet ? Et quelle est la nature de la claque ? Renseignements pris, Sirat est un pont entre l’enfer et le paradis, aussi fin qu’un cheveu et aussi effilé qu’une épée. C’est le pont que les âmes des morts doivent traverser. C’est une figure métaphysique de l’islam, qui rappelle aux croyants que l’accès au paradis est de la seule décision de Dieu à l’examen de la vie des défunts. Ceux qui ont mené une existence conforme aux préceptes divins le traverseront avec aisance pour atteindre le paradis, tandis que les autres chuteront dans l’abîme infernal.
Cependant dans le film de Olivier Laxe, nul pont n’apparait vraiment… nous sommes dans la métaphore. Alors si l’enfer est bien là, où peut résider le paradis ?
Attention, la lecture de cet article dévoile bien des épisodes qui peuvent atténuer le choc… est-ce salutaire ou non ? Car il est sans doute question là d’une voie de salut, mais selon quel dogme ?
En tout cas, ne pas lire si vous souhaitez voir le film et en ressentir pleinement les effets…
Le titre que j’ai choisi peut apparaitre pour le moment un peu mystérieux, plus encore si je vous dis que j’aurais pu le nommer aussi « Samsara » …

Le début du film, nous plonge au cœur d’une rave partie géante au cœur du désert marocain. Le son est là, puissant, hypnotique, la chaleur aussi ; Face au mur, les corps ruissellent , se perdent dans la scansion des basses, comme des pantins désarticulés gesticulant dans la poussière soulevée par le tambourinement des pieds sur le sol. Luis, un père, est là au milieu de cette faune techno, avec son jeune fils Esteban, à la recherche de sa fille, majeure disparue depuis plusieurs mois. Il interroge les uns et les autres, une photo à la main. Mais la recherche est infructueuse… Il croise alors dans cette recherche, une bande d’amis, 2 femmes, Stef et Jade, 3 hommes, Tonin le manchot, Josh et Bigui l’unijambiste, presque une famille d’êtres qu’on devine déjà bien cabossés par la vie. Nous sommes pris tout le début du film dans cette déambulation sans fin dans cette faune exotique dans le désert au rythme assourdissant des basses. Nuls voisins à effaroucher… et pourtant l’armée débarque et fait lever le camp et encadre le convoi des teufeurs…
Là débute le spoil…
Un convoi de teufeurs dans leur camion se forme, escorté par le convoi militaire… jusqu’à ce que… Première brisure du rythme mucisal infernal. Mais était-ce vraiment l’enfer ? Une colonne de teufeurs réussi à sortir du convoi à l’occasion d’un arrêt, profitant d’une bifurcation… Luis suit cette colonne qui échappe au contrôle de l’armée. Deux camions équipés pour le désert se dégagent alors avec l’objectif du grand sud marocain, où une autre rave devrait avoir lieu… Luis les suit avec son monospace un peu fragile pour ces routes défoncées… Les teufeurs lucides tentent de le dissuader : comment pourraient-ils les suivre avec sa voiture qui ne pourrait être à la mesure des obstacles à venir… mais Luis et Esteban, s’entêtent, espérant qu’au bout de ce chemin, retrouver sa fille, sa sœur… Alors cette folle escapade dans le désert de l’Atlas pour rejoindre la frontière mauritanienne va apparaitre au fil des minutes de l’avancée du film, comme une descente aux enfers…constituant au fil des événements autant de claques pour le spectateur embarqué dans l’aventure, accroché à son fauteuil.
C’est sans doute la succession des bifurcations, des « choix » faits par les uns et les autres au cours de ce road trip, qui organisent cette descente aux enfers. D’abord, il y a cette décision, de passer par les hauteurs de l’Atlas, plutôt que par la plaine quadrillée par des convois militaires (les bribes qui s’échappent des radios, laissent penser que l’armée est mobilisée, est-ce la guerre avec l’étranger, mondiale, ou juste intérieure ? on ne sait… Pour les teufeurs, il faut échapper à cette réalité et gagner le sud… Pluiseurs fois, Luis a l’occasion de faire demi-tour dans cette adversité qui s’annonce… mais non il choisit toujours de poursuivre, accueilli finalement par cette « famille » de teufeurs. Eux, ils se sont choisi dans les carrefours de la vie, dans les brisures de leurs vies qu’on devine cabossées. Des amis, des frères et des sœurs du SON, Jade et Tonin, Bigui, Stef et Josh… qui ont décidé de partager leurs destinées sur les routes. Luis et Esteban, sont intégrés, partagent…rejoignent la destinée. Il se passe quelque chose là avec des questions sur le sens et la portée d’une véritable famille.
Puis un arrêt pour réparer dans la montée de l’atlas, sur la route étroite, Luis demande à Esteban de rentrer dans la voiture, de ne pas jouer avec son chien sur la route dangereuse avec le ravin à quelques centimetres… Esteban obeït… Puis le frein à main lache… la voiture repart en arrière et chavire dans le ravin, avec Esteban et le chien… Premier grand choc émotionel… On espère quelques secondes qu’ils ont pu être sauvés par quelque miracle … ?! Non, pas de miracle, ils sont bien au fond du ravin et impossible de faire demi-tour sur cette route qui monte, monte… où trouver de l’aide ? quelle aide ? Tout le monde est sous le choc, teufeurs, spectateurs, Luis en tout premier lieu lui qui recherchait sa fille, vient de perdre son fils. Première claque.
Il faut repartir, passer la montagne, aller de l’avant… trouver de l’aide ?Au bas de la montagne, une sorte de camp militaire abandonné, un jeune berger avec ses chèvres qui fuit dans la montagne…Il n’y a rien ici, il faut poursuivre… Plus loin dans le sud… Il faut traverser un lac de sel, les camions avancent à tombeau ouvert… s’arrêtent au milieu de nulle part… il faut évacuer le stress des heures passées, de la perte d’Esteban. L’équipée sauvage monte des enceintes, de dope avec un breuvage partagé de plantes….et se déhanchent dans le son , dans le désert… Puis Jade saute sur une mine… Un buisson ardent éphémère dans le désert… quel est le message ? Dieu a-t-il parlé un bref instant ?... Un champ de mines… Tonin son compagnon unijambiste se précipite sur le cadavre déchiqueté de Jade… et saute à son tour… Ils sont arrivés jusqu’ici « miraculeusement » et voilà qu’ils semblent comme au bout du chemin au milieu de nulle part… cerclés sans doute par les vestiges d’une guerre larvée. Comment aller de l’avant ? Atteindre les rochers à une centaine de mètres et derrière monter les dunes… Les deux camions lancés sans pilotes pour ouvrir une voie.. sautent l’un après l’autre. Voilà les rescapés avec seulement un sac à dos et une seule bouteille d’eau … Le paradis du sud recherché par l’équipée est encore bien loin… hors de portée ? Les claques s’enchainent… Luis dans un état second, prend son sac à dos et s’élance dans cette traversée ? va-t-il réussir à traverser le « Sirat » étroit comme un cheveu, et explosif là comme une mine ? Oui. Miracle ? En tout cas soulagement ! Espérance ! Il semble qu’il y ait une issue, de l’autre côté des dunes ? Bigui avance dans les pas de Luis…et saute … c’est comme une loterie, une roulette russe… Il ne reste plus que Stef et Josh… Bras dessus, bras dessous, ils avancent à leur tour vers leur destin… les yeux fermés… et passent… Les trois rescapés grimpent sur les dunes qui donnent sur un plateau et du haut du plateau découvrent l’étendue désertique jusqu’à l’horizon inatteignable … Luis entame la descente vers cet horizon hors de portée avec une détermination et une sérénité déconcertante comme si rien n’était arrivé, comme si plus rien ne pouvait arriver… Josh et Stef suivent…Derniers plans du film : un train bondé d’hommes et de femmes, les regards perdus débordent des wagons ouverts sur le ciel, comme des âmes perdues, au milieu Luis, Josh et Stef, perdus également dans leurs pensées ou non pensées… Le train s’enfonce à toute allure dans le désert profond, sur une ligne étroite… le convoi des rescapés de Dieu ? pour quelle destination ? quel paradis ?
A partir de là, une série de choix va lier Luis et son fils Esteban aux 5 amis, Stef et Josh, Jade et Tonin, et Bigui. Ils s'enfoncent vers le grand sud marocain à la recherche de leurs paradis respectifs, Luis, sa fille, les teufeurs le SON comme voie de transcendance… Poussés par le rêve (rave)…Il faudra alors traverser un rio tumultueux, grimper les pentes étroites, escarpées de l’Atlas. Un point d’arrêt au sommet de l’Atlas, apparait comme un point de bascule dans le film, le début d’un road trip qui apparait vite comme une sorte de chemin sans retour, une descente aux enfers où se joue le destin de cette folle équipée au travers du désert. A partir de là, nul retour en arrière n’apparait plus possible, il faut aller de l’avant coûte que coûte quelques soient les circonstances, jusqu’à traverser la longue plaine de l’extrême sud marocain. Un nouvel arrêt au cœur de ce désert de poussières et de pierres pour goûter le SON, un temps comme hors du temps, comme un avant goût artificiel du paradis dans l’enfer des décombres de la guerre d’indépendance du sahara occidental menée par les espagnols contre le front polisario de libération… L’issue semble proche mais incertaine, étroite, risquée. C’est l’heure des choix ultimes… Il s’agit de réussir ou non à passer pour atteindre un point de libération…Nous sommes pris dans cet étau entre la vie et la mort qui se resserre sur l’équipée, vivant ainsi au fil haletant des images, des minutes, l’entrechoc des leurs destins qui les fondent, les enchâssent les uns dans les autres. Images finales d'un train d'enfer... vers l'horizon sans fin du désert, le paradis ?
Le film s’achève ainsi nous laissant sous le choc, avec cette question du pourquoi ? pourquoi cela ? pourquoi cette descente aux enfers ? y a-t-il encore un paradis possible après cela ? c’est quoi le paradis alors ? pourquoi ce film ? pourquoi moi dans cette salle ? Nous sommes un peu groggy… Il nous faut alors refaire le chemin … un chemin plus intérieur…
Lorsque l’on lit alors les avis des spectateurs du film, ou des critiques, les impressions sont partagées. Il y a ceux qui n’y voient aucun sens, ou peut-être un certain sadisme, une cruauté gratuite… et ceux qui cherchent peut-être désespérement un sens… celui de notre rapport au monde ou plus exactement la fin de ce monde. On peut lire au fil des avis sur AlloCiné :
« Comme le note Jacques Morice dans sa critique de Télérama, le film prend alors l’allure d’un “assemblage de Werner Herzog, de Mad Max et du Salaire de la peur”, nimbé d’une étrangeté qui touche autant à la réflexion sociopolitique qu’à l’ésotérisme. En tout cas, on bascule dans le métaphorique. Alors que le périple plonge dans un rythme vaguement engourdissant, on est secoué par plusieurs scènes choc et sidérantes, qui donnent au road-trip des accents initiatiques cruels et stressants. Il y a comme une notion de passage sacrificiel qui fait écho au titre du film, Sirāt, désignant en islam le pont entre enfer et paradis. Mais vers quoi vont les personnages ? Si l’on tient compte du contexte évoqué par quelques bribes d’informations perçues à la radio (exode, guerre locale puis générale), on peut voir dans ce voyage l’odyssée mortelle d’une humanité en perdition dans un monde en guerre. Une fatale traversée du désert. L’auteur Oliver Laxe parle quant lui d’un “chemin intérieur qui pousse à mourir avant de mourir”, dans un propos rapporté par le même Jacques Morice, de Télérama. Propos sibyllin. S’agit-il d’éprouver la mort ou la peur de la mort pour mieux se préparer à la fin (du monde) ? »
Il faut entendre Olivier Laxe dans le Grand Entretien à France Inter . Olivier Laxe, livre son intention :
Est-ce que vous aviez l'intention ou envie de bousculer les spectateurs ?
Oliver Laxe : Oui, mais pas bousculer sadiquement ou cruellement. Et c'était compliqué de tenir le fil, d'assumer, parce qu'on savait que ça pouvait être mal interprété. Je voulais que les gens regardent à l'intérieur. Remuer un tout petit peu, gratter un tout petit peu à l'intérieur. J'aime beaucoup la notion de la crise, j'en parle beaucoup, je trouve que la crise, c'est ce qui nous oblige à regarder à l'intérieur, qui nous fait nous connecter avec nous-mêmes, qui nous remet à notre place, qui nous emmène dans la bonne voie. Oui, c'est dur, les crises, mais ce sont des moments vraiment de grosse connexion.
Cependant l’intention ultime reste obscure, à son auteur même :
« Et à la fin du panoramique, on voit le désert, c'est la dernière image. Et là-dessus, j'ai mis une musique que j'ai vraiment tordue, distordue, c'est dissonant. Comment analyser ça ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que c'est ? Quelle est mon intention ? C'est difficile à dire. »
Il y a une dose de mystère dans ce film, de mystique que revendique l’auteur.
Est-ce qu'il y a quelque chose de mystique dans ce film ?
Oliver Laxe : Le mystique, c'est en rapport avec la spiritualité, avec toutes ces choses qui nous échappent un peu. "Mystique", étymologiquement, vient du mot mystère. Ça m'intéresse le mysticisme, je le lis, j'essaie de le pratiquer, mais j'ai appris aussi que plus tu cherches le mystère, plus il t'échappe. C'est presque un accident de faire des œuvres qui aient un peu de transcendance. Peut-être dans les choix des images, dans la manière de faire le montage.
Je ne sais pas si on a réussi à le faire avec ce film, mais je crois que le cinéma, c'est un art qui peut vraiment dire ce qu'est le mystère. Le mystère, c'est ce qui se cache derrière le monde matériel. C'est ça le mystère. C'est ça le mysticisme.
« Je pense qu'on est de plus en plus face à un monde qui va nous obliger à regarder à l'intérieur. On va être face à un abîme et cet abîme va nous demander de nous interroger sur ce que c'est que d'être humain. Surtout avec le changement climatique, l'intelligence artificielle et ce vieux monde qui ne veut pas mourir. Et je crois qu'on va être obligés d'être plus humains. Et je trouve que le film parle un peu de ça. »
Cependant dans cet entretien , à aucun moment l’auteur ne parle du titre du film « Sirat » juste une référence à sa propre quête spirituelle dans la pratique du soufisme.
« À ce moment-là de ma vie, j'étais dans une quête spirituelle, dans une démarche d'approfondissement de ma pratique du soufisme. Et bien évidemment toute spiritualité, toute pratique spirituelle se fait autour de la mort et de la question de notre finitude. C'est la question de ce qu'il y a après.
Je crois que méditer la mort devrait être une pratique à peu près quotidienne. Mais je ne suis pas un cynique, je ne suis pas un nihiliste, j'ai de l'espoir dans l'être humain et dans le futur. Et j'avais envie que les spectateurs sentent qu'on s'approche d'un monde en mutation et d'une nouvelle ère. »
Il y a pour lui ce besoin de la méditation de la mort, pour œuvrer dans la vie. Mais à suivre vraiment la métaphore du pont de Sirat, sur ce pont avancent normalement, fébrilement les âmes des morts… Mais au début du film Luis, Esteban, Stef, Josh, Bigui, Jade, Tonin, nous apparaissent bien vivants.. à quoi leurs âmes sont-elles déjà mortes alors ? Jusqu’où leur faut-elles poursuivre le chemin (intérieur) pour se révéler à elles-mêmes ? A quel prix ? La mort physique de leur corps ou de celui de leurs âmes sœurs ?
Dans cette traversée du pont, de la mort, Olivier Laxe, ressent pour sa part une certaine « sérénité ». Il y a là dans cette affirmation faite au détour d’une question, une clé pour donner sens au film. N’est-ce pas ce que l’on peut ressentir sur le visage de Luis, de Stef, de Josh, lorsqu’ils sont dans le train ? Saufs, ils sont comme morts à eux-mêmes pleinement ? Comme libérés de la peur éprouvée au tréfond d’eux-mêmes et ainsi traversée.
Je retrouve ici les idées développées à la lecture du roman de Ruth Ozeki "En même temps, toute la terre et tout le ciel".
J’écrivais alors dans mon commentaire de lecture à propos des « êtres-temps » :
« Il y a la philosophie et il y a aussi la sagesse du Tao exprimée par Maître Dögen dans le Shõbõgenzõ, où l'effacement, l'oubli de soi, est une autre voie où la question de la mort est oblitérée par celle de de la plénitude de l'être dans l'éveil :
« Etudier la Voie, c'est s'étudier soi-même. S'étudier soi-même, c'est s'oublier soi-même. S'oublier soi-même, c'est être éveillé par toutes les existences »
L'être temps s'éprouve aussi dans la manière où sa propre mort affecte la vie des autres êtres. La vie et la mort ne sont pas séparées. »
Il m’apparait qu’il faut là alors dépasser l’attachement à la singularité des existences individuelles. D’une certaine manière Luis, Esteban, Josh, Tonnin, Bigui, Jade et Stef, sont UN, des parts d’eux-mêmes sont mortes à plusieurs moments de cette existence, avant et après le road-trip. Tous vivent encore dans l’expérience de cette traversée, même s’ils ne sont plus là, au terme d’une sorte de loterie divine aveugle.
On peut avoir en effet, l’impression que tout ce qui arrive, par l’enchainement des choix, est en quelque sorte prédéterminé, sans que rien ne puisse justifier à l’échelle de l’homme, le Choix déterminant de Dieu dans l’agencement des destins individuels. L’enfer pour les uns ? le paradis pour les autres ?
Cependant que reste-t-il de l’enfer et du paradis au bout du Chemin ?Là peut se comprendre mon interrogation, mon hésitation du début de cet article quant à son titre ? Samsara… Le samsara est souvent présenté comme le monde de la souffrance dans la doctrine bouddhiste, l’enfer sur terre, opposé au Nirvana qui serait l’équivalent du paradis, monde des délices… Mais la juste compréhension du Samsara est à rechercher plutôt dans cette phrase énigmatique attribuée au philosophe indien Nagarjuna :
« Tant que tu fais une différence entre le nirvana et le samsara, tu es dans le samsara. »
Pour décrypter un tel koan , je vous renvoie à la lecture de cet interview de André Comte Sponville : https://fabien-trecourt.com/2019/02/25/tant-que-tu-fais-une-difference-entre-le-nirvana-et-le-samsara-tu-es-dans-le-samsara/
Alors peut-être n’y a-t-il ni de dieu qui choisit pour nous, ni nous qui choisissons véritablement selon le « libre arbitre » ? qui choisit alors ? Faut-il un « je » qui choisit, divin ou non ? Là nous pouvons retrouver Spinoza, qui situe dieu dans une identité avec la nature, c’est-à-dire l’ensemble des lois qui déterminent tout existant, et toute existence, dans cette affirmation que l’homme ne saurait être « un empire dans un empire », qu’il ne se croit libre pour cette seule raison qu’il ignore les causes qui le déterminent. Comme il l’explique longuement dans une lettre à son ami Schuller, Spinoza ne croit pas au libre arbitre , mais plutôt à ce qu’il appelle « la libre nécessité ».
« Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent. » (Lettre à Schuller)
La cinquième partie de l’Ethique (« De la puissance de l’entendement ou la liberté humaine ») développe cette thèse dans une sorte de démonstration géométrique, et débute par cette déclaration d’intention :
« Je passe enfin à cette partie de l'Éthique qui a pour objet de montrer la voie qui conduit à la liberté. J'y traiterai de la puissance de la raison, en expliquant quel est l'empire qu'elle peut exercer sur les affects ; je dirai ensuite en quoi consistent la liberté de l'âme et son bonheur ; on pourra mesurer alors la différence qui sépare le savant de l'ignorant. »
Ainsi, l’Ethique rejoint-elle en un point singulier la doctrine du Bouddha, qui constitue la 4ème noble vérité : Magga, le Chemin de la Connaissance (l’octuple noble sentien) qui permet l’extinction de la souffrance, le Nirvana, la Libération bien comprise c’est-à-dire l’enchainement de la vision juste, de la pensée juste, de la parole juste, de l'action juste, des moyens d'existence justes, de l'effort juste, de l'attention juste et de la concentration juste.
Dans cette recherche du juste, il me semble que s’opère l’acte même de mourir à soi-même, en tant que nous sommes déterminés le plus souvent par nos affects.






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